Parcours Couleurs (2019)

Le Château Vodou proposait de suivre un parcours au travers de sa collection. L’itinéraire a mis en lumière le thème des COULEURS des fétiches vodou. Pour l’occasion, des œuvres extraites des réserves préludaient le parcours qui se poursuivait ensuite tout au long de l’exposition permanente, dans les étages du château d’eau.

 « COULEURS VODOU »

Affirmation d’un monde invisible, le vodou regroupe un ensemble de forces agissantes capables de maintenir l’ordre des choses et vise à protéger les biens, à préserver la communauté des grands fléaux, à chasser au moyen de célébrations rituelles les maladies et les agressions.
Le parcours thématique « COULEURS VODOU » présente un échantillon de sculptures, d’objets et de masques inédits mettant en lumière l’importance de la couleur dans les œuvres rituelles vodou.
Que la couleur se révèle au travers d’une polychromie soignée par l’application de pigments d’origine minérale ou végétale d’une patine d’usage, de l’ajout d’éléments divers, ou qu’elle ne subsiste plus que sous la forme résiduelle de simples traces, ces objets traditionnels sont assurément révélateurs de l’objectif premier de leur créateur : assurer l’efficacité rituelle.

 

Parcours conçu par Louise Flouquet et Mégane Liguori, accompagnées par Jean Yves Anézo.
Coordination : Marc Arbogast, Adeline Beck – Technique : Sébastien Furderer

Colorer la sculpture : peinture, pigments, tissus

De manière générale, le terme de couleur rattaché à un objet – qu’il soit sculpté ou façonné – renvoie à l’idée de peinture. L’utilisation de la polychromie ne semble pourtant pas être une constante dans les objets traditionnels du vodou africain, mis à part pour l’art du masque et les productions artistiques contemporaines. Il est aussi à noter que dans le vodou, comme d’ailleurs dans la majorité des styles africains, la palette se compose principalement des trois couleurs symboliques et rituelles que sont le noir, le blanc et le rouge. L’utilisation de couleurs non traditionnelles sur un objet, rendue possible par l’introduction de colorants d’origines occidentales, est révélatrice de l’évolution de la société.
Cette notion d’évolution ne s’oppose en rien à la tradition, comme on peut le constater sur la représentation de la déesse Mami Wata – divinité aquatique – qui apporte à ses adeptes l’abondance et la fortune. Cette sculpture, créée par un artiste contemporain, n’est pas forcément dédiée au culte et peut valoir pour son caractère esthétique : en atteste l’introduction de formes novatrices comme la toupie venant remplacer la tête.
Mais cette notion d’évolution des couleurs ne s’oppose pas forcément à la représentation traditionnelle d’une divinité ; en atteste cette sculpture de la déesse Mami Wata – divinité aquatique qui apporte à ses adeptes l’abondance et la fortune. Créée par un artiste contemporain, elle peut valoir pour son caractère esthétique sans forcément être utilisée dans le culte. La toupie qui remplace la tête est une forme novatrice et décorative, mais elle s’harmonise avec le reste des attributs traditionnels de Mami Wata que sont la queue de poisson et le serpent arc-en-ciel Dan qui compose ici le bras.
Rarement peintes, les expressions plastiques traditionnelles se colorent à l’aide de pigments projetés sur l’objet et par l’ajout de matériaux colorés divers, tels les tissus ou les objets hétéroclites. Les deux kpodohonme-bocio présentés en sont un bon exemple ; la statuette pourvue de cadenas constitue une sous-catégorie de ce genre de bocio protecteur, ici partiellement recouverte de poudre bleue – lessive ou pigment végétal.

MAMI-WATA. Togo.
Bois, peinture, 80×30 cm, 2000.
(inv. 0859)
KPODOHONME. Togo.
Bois, paille, tissu, pigments, 20×8 cm, XXe
(inv. 0019A)
KPODOHONME. Bénin.
Bois, éléments métalliques, cadenas, tissu, pigments, matières sacrificielles, 31×15 cm, XXe
(inv. 0439C)

 

mami wata

Un fétiche est un objet chargé de forces multiples et doté d’une puissance surnaturelle, permettant à l’humain de s’adresser à une force extérieure, dans le but d’en tirer profit pour lui ou pour ses proches. Bien plus qu’une représentation de divinité, l’objet fétiche est le réceptacle de l’efficacité d’un dieu. Active dans l’objet, cette force est toujours manipulée par un prêtre qui en harmonise régulièrement les principes vitaux au travers d’offrandes et de sacrifices.


Constitutives de la forme vodou, les traces colorées et les patines d’usages formées de restes de matières sacrificielles, confèrent à l’objet sa pleine dimension spirituelle. Par conséquent, la couleur participe elle aussi à ce discours rituel, tendant parfois à relier des données mystiques et plastiques. Les traces de kaolin visibles sur l’objet représentant une tête sculptée ne visent pas nécessairement à exprimer le concept de couleur blanche ou la matière sacrée qu’est le kaolin ; elles peuvent être révélatrices d’une réalité socioculturelle où le blanc est signe d’abondance, de protection humaine et de bonheur. Cependant, la couleur s’efface progressivement, dans un va et vient de mémoire et d’oubli.
Pour le reste, la matière privilégiée du vodou est le sang, puisque cette force vitale cachée sous la peau relève de l’invisible. Sacrifié, l’animal se vide de sa force qui se répand symboliquement sur le réceptacle, lui permettant de se régénérer. Par ces usages rituels répétés, l’objet subit des modifications irréversibles, allant parfois jusqu’à recouvrir la forme initiale d’une épaisse couche noirâtre et luisante. C’est ce que l’on constate sur le Wutuji-Bocio présenté, objet qui demande un important apport de sang et, par conséquent, d’énergie, puisqu’il est associé à des actes de sorcellerie ou de protection.

Refuge du pouvoir protecteur de Kéléssi, cet objet se présente sous la forme d’un amas de matière et d’attributs hétérogènes qui lui confèrent toute son efficacité : terre, bois, carton, crânes de chevreaux, cire et tissus noir, rouge et blanc – attributs de trois des dieux principaux (Sakpata, Hébiéso, Dan) du panthéon vodou dont la force fut ancrée dans l’objet. Il n’y a pas de hasard dans l’ordre qui préside à la création de Kéléssi ; le recours à la divination par l’intermédiaire du devin [Azé Kokovivina], indiquera la liste des matériaux et des formules incantatoires qui devront accompagner sa fabrication dans le but de sacraliser l’objet.

Fétiche protecteur du musée, Kéléssi est le seul vodou encore actif dans la collection. Pour éviter que sa force ne s’affaiblisse, ce qui provoquerait une colère destructrice, il faut régulièrement l’entretenir et la recharger. Ainsi, au fil des séances rituelles l’objet se transforme par l’intrusion d’éléments que le prêtre incorpore, frotte ou crache sur l’objet – à l’image de la croute jaunâtre qui le recouvre. Ce mélange d’huile de palme et de farine de maïs est l’aliment du vodou. Il constitue une des expressions du rituel, au même titre que les gestes, les incantations et les chants. Figée sur l’objet, la croute jaunâtre est comme une mémoire visuelle de la cérémonie passée et assure à l’action du prêtre une certaine pérennité dans le temps.

 
KELESSI. Togo
Bois, plastique, tissu, carton, végétaux, crânes de chevreaux, cire, matières sacrificielles, 68×14 cm, XXe
(inv. 1404)
 

Guidés par la divination du Fa, les prêtres vodou installent parfois sur leurs autels des peaux, des dents, des queues ou des ossements animaux ou humains. Parmi les restes humains, les crânes sont les réceptacles du souffle des ancêtres et peuvent constituer des fétiches protecteurs qui veillent sur leur détenteur.

Particulièrement soigné, le haut du crâne est incrusté de graines d’Abrus precatorius, qui ont la particularité de réunir en elles trois couleurs : à dominante écarlate, elles sont porteuses d’une tache noire à leur extrémité et d’un petit point blanc correspondant au point d’attache à la plante. Également nommée le « haricot des dieux », cette plante est un élément important de la liturgie vodou. Elle entre fréquemment dans la fabrication des fétiches anti-sorcellerie et l’on raconte qu’elle a le pouvoir de détourner le regard des sorciers aux yeux rouges, lorsqu’ils souhaitent s’accaparer les richesses.

Crâne – fetiche protecteur. Benin ou Togo

 

Crâne humain, perles, cauris, graines, métal, corde, tissu, matières sacrificielles, 68×14 cm, XXe

(inv. 0830)

La boite crânienne est ceinte d’une corde tressée, d’où pend une suite de cauris blancs ; tel un diadème, ils confèrent à l’objet une prestance particulière. Largement utilisés dans les arts traditionnels africains, les cauris servaient à l’origine de monnaie d’échange. Souvent, leur valeur monétaire investit l’objet de symbole de richesse et de pouvoir. Mais placé autour du crâne, ce petit coquillage à la large ouverture blanche peut être vu comme une métaphore du sexe féminin, indiquant peut-être que ces restes sont ceux d’une femme.
Enfin, un collier de perles noires redescend le long des mâchoires complétant ainsi la triade colorée – rouge – blanc – noir – qui traditionnellement compose la palette des couleurs symboliques ou rituelles dans la pensée vodou.

 

 

Dans le vodou, la palette colorée est principalement composée des trois couleurs symboliques et rituelles que sont le noir, le blanc et le rouge. Sur les objets, cette triade de couleurs se rattache aux vodou des origines alors que dans les traditions orales elle a valeur de symbole dans les représentations collectives.

Aussi chez les Fon, la couleur rouge est celle du vodou par excellence; c’est elle, par exemple, qui symbolise le génie de la divination Fa, qui joue le rôle primordial d’intermédiaire entre les hommes et les dieux, dont il exprime la volonté. Omniprésent, son recourt sous la forme d’un art divinatoire, préside à n’importe quelle cérémonie vodou et à la consécration de tout objet rituel.

Dans le contexte magico-religieux, la symbolique des trois couleurs fondamentales a une charge importante, puisque chacune de ces nuances se rattache à un grand vodou du panthéon et par extension à la famille d’esprits secondaires qui en découle. Visuellement, ces couleurs permettent souvent d’identifier le vodou dont la force a été ancrée dans l’objet. Ainsi le rouge couleur du feu, représente Hébiéso, dieu de la foudre. Le noir se rattache à Sakpata, divinité des maladies de peau mais aussi dieu de la terre : c’est lui qui nourrit les hommes en leur donnant de la nourriture, et c’est lui aussi qui les punit en faisant sortir par leur peau les grains qu’ils ont mangé. Enfin le blanc, associé à la lumière bénéfique, évoque la puissance du serpent arc-en-ciel Dan. Symbole du mouvement perpétuel, il fait l’union entre le ciel et la mer. Les objets et fétiches présentés ici sont noués, enturbannés de lambeaux de tissus tantôt noir, rouge et blanc. Cette triade colorée est récurrente et indique que la puissance d’Hébiéso, Sakpata et Dan a été établie dans l’objet afin d’augmenter l’efficacité de sa force.

Kudio Bocio. Benin. Bois, tissu, 101,5×10 cm, XXe (inv. 1350)
Kudio Bocio. Benin. Bois, tissu, métal, traces de matières sacrificielles, 102×12 cm, XXe (inv. 0151A) 
Kudio Bocio. Benin. Bois, tissu, cauris, 103×38 cm, XXe (inv. 1379)
Kudio Bocio. Benin. Bois, tissu, kaolin, traces de matières sacrificielles, 96×13 cm, XXe (inv. 0496C)
Bocio

 

 

En français moderne le vocabulaire des couleurs est riche de nuances, cependant d’une langue à l’autre cela diffère. En langue fon (Bénin) par exemple, le noir, le blanc et le rouge sont les seules couleurs pour lesquelles il existe un terme primaire. Les termes désignant les autres couleurs en dérivent, ou sont des expressions descriptives ou métaphoriques liant la nuance à un objet ou à ce qui l’a produit : ainsi littéralement, la couleur verte se dira « feuille crue » ou bien « qui a la coloration de la feuille crue ».

De plus, selon le contexte socioculturel dans lequel les mots désignant les trois couleurs fondamentales sont employés, ils admettront des connotations morales, positives ou négatives. En effet, on pourra dire d’un homme qu’il a le « cœur blanc » ou le « ventre blanc » lorsque ce dernier ne pense pas à mal des autres. À cela peut s’ajouter une dimension spirituelle, puisqu’il est admis que Sakpata – vodou de la terre et des maladies contagieuses – « ne tue pas l’homme au ventre blanc ». L’inverse se produira pour l’homme au « cœur noir » ou au « ventre noir ». Le terme rouge, sera quant à lui souvent employé dans des expressions décrivant un état d’aveuglement psychologique et de passion brûlante : le fait de « rendre rouge une chose » signifiera demander passionnément et insatiablement quelque chose.

 

Il n’est pas rare de voir des traces de poudre bleue qui semblent comme soufflées sur les objets. Ce bleu franc et vif, qui se dit blo en langue Fon et Ewé (probablement dérivé du mot anglais blue), est une des couleurs récurrentes sur les fétiches de l’ancien Dahomey. Elle indique une relation avec le vodou Gambada (ou Gabara), une force extrêmement puissante qui travaille en association avec d’autres divinités et que l’on sollicite régulièrement pour résoudre de nombreux problèmes. Ses qualités sont la transe mais surtout la rapidité de son intervention : doué d’ubiquité, il a la capacité de se déplacer instantanément auprès de la personne concernée, qu’il s’agisse de l’aider ou de lui nuire. Inviter Gambada à la cérémonie qui préside la fabrication d’un objet revient ainsi à accélérer l’effet qui en est attendu.
Les fétiches de Gambada sont multiples ; parfois on y trouve des petits morceaux d’os broyés, des débris d’objets divers, des cadenas enfermant la parole magique ou un miroir permettant au vodou de pouvoir deviner et appeler d’autres esprits pour leur recommander de faire telle ou telle chose. 


L’indigo traditionnel a peu à peu laissé la place au bleu de lessive, que l’on mélange parfois au blanc du talc ou du kaolin, et sur lequel on adjoint certaines lotions, du parfum, parfois une cigarette, mais jamais d’huile. De la figure géomantique qui précède la cérémonie rituelle dépend la proportion de pigments que mélange le prêtre dans la préparation de son précipité ; cela explique la variété des tons et des couleurs des croutes des objets, dont certaines zones ont pu être recouvertes de diverses substances à l’occasion d’autres séances rituelles.

GABARA. Benin.
Bois, tissu, éléments métalliques, cadenas, plumes, pigments, matières sacrificielles, 95×31 cm, XXe
(inv. 1296)
GABARA. Benin.
Bois, éléments métalliques, cuir, cadenas, pigments, matières sacrificielles, 70×28,5 cm, XXe (inv. 1296)
Gabara
 
 

Le rouge est la couleur du vodou par excellence chez les Fon, représentative de la divination Fa. Elle est également la couleur de la divinité du ciel et de la foudre, Hevieso. Garant de l’ordre social, le dieu se sert de sa foudre pour tuer les mauvaises personnes et les déviants. Lorsque cela arrive, les couvents d’Hevieso organisent la cérémonie des foudroyés. C’est le prêtre du dieu, nommé kossou (ou kpohinto), qui prend en charge tout le cérémoniel. Torse nu, sa tenue (achina kpon) se compose d’un habit de cérémonie rouge, d’un bandeau de cauris sur la tête, de bracelets de cauris, de cuir, fer, cuivre et grelots. Un sac de toile ceint de cauris et un crâne humain sont suspendus à sa ceinture. Sur ses épaules, il porte un joug de bois (kpon) d’où pendent au dos plusieurs tissus qui forment une cape. Des deux côtés du joug sont attachées plusieurs plumes rouges de perroquets.
Les deux statuettes d’hommes debout sont des fétiches de kpohinto, de véritables prêtres d’Hevieso ayant obtenu leur fétiche lors de leur intronisation. Le premier fétiche est composé d’une grande calebasse dans laquelle la sculpture du prêtre a été posée. Il est vêtu d’un long morceau de tissu rouge attaché autour de la ceinture et porte la cape représentative des kpohinto. Il ne possède pas les accessoires de la tenue de cérémonie et les plumes de la cape sont des plumes noires de poulets teintes en rouge. Le deuxième fétiche est une statuette vêtue du même costume, qui se porte normalement dans le dos

KOSSOU. Togo.
Bois, calebasses, tissu, plumes, cloches, pigments, matières sacrificielles, 80×70 cm, XXe
(inv.1116)
KOSSOU. Togo ou Benin.
Bois, éléments métalliques, tissu, cauris, matières sacrificielles, 42×33 cm, XXe (inv. 1146)

 

Kossou
 

 

Cet étonnant objet intrigue par sa forme longitudinale et la représentation féminine sculptée en creux qu’il contient. Notre regard s’évade petit à petit de la surface première du bois nu, pour s’arrêter sur les restes de kaolin qui souligne le modelé du corps, figuré allongé. Les traces résiduelles de poudre blanche s’incrustent plus profondément dans les sillons des lignes et accentuent l’ondulation des mèches de cheveux, le bombé du front et des lèvres, et les rainures de la queue de poisson qui remplacent ici les pieds.


Rappelant la forme d’une barque, l’objet est dédié à la divinité aquatique Mami Wata, traditionnellement représentée sous l’apparence d’une sirène. Prodiguant l’abondance et la fortune, le culte de Mami Wata est très populaire le long de la côte où il est ressenti comme un recourt alternatif à la pauvreté. Cet esprit des eaux est lié au vodou fondamental Dangbé – le serpent arc-en-ciel – largement consulté pour ce qui a trait à l’accomplissement et l’enrichissement personnel. Ce n’est donc pas un hasard si Mami Wata reprend à son compte la couleur blanche, consacrée dès l’origine à la divinité de l’abondance, de la protection humaine et du bonheur.

MAMI WATA. Ghana ou Togo.
Bois, pigments, matières sacrificielles, 23×94 cm, XXe
(inv.1415)

 

Mami Wata

 

Par son impressionnante variété de formes, de matériaux et de styles, l’art du masque de danse et de cérémonie constitue l’un des points culminant de l’affirmation de la couleur. Dirigée par des sociétés secrètes, la sortie de ces grands masques est toujours rituelle : au sens large, les rituels sont des instruments pragmatiques, composés de gestes, paroles et objets, dans lesquels des pouvoirs spirituels, invisibles et sacrés, sont projetés dans le monde visible sous la forme de masques. Ce type de danses socio-religieuses a pour but la cohésion sociale et le maintien d’une morale et d’un comportement transmis par les ancêtres.

L’apparence des masques-costumes de la société Egungun est ici rappelée sous la forme d’une bouteille Atingo. Culte essentiellement pratiqué par les peuples Yoruba et Nago, les Egungun représentent un esprit temporairement incarné dans le monde des humains, pour transmettre aux vivants le message des ancêtres. Structure textile volumineuse, précieuse et colorée, le masque Egun (signifiant squelette) se compose d’une sorte de cagoule solidaire d’un costume, fait d’un assemblage de panneaux de tissus divers, bordés de galons et ornés de motifs variés et de broderies de fils d’or et d’argent. Sur l’Egun, des coquillages, perles et pastilles métalliques multicolores et chatoyantes viennent compléter l’ensemble étincelant qui arbore des couleurs vives et contrastés.

Dépourvu de son costume de tissu, le masque-cimier Egungun Olode est, quant à lui, révélateur de la polychromie et de l’esthétique Yoruba, qui représente généralement des figures humaines. Les yeux en relief, les lèvres épaisses, et trois scarifications verticales sur les joues et le front ; ce même type de visage caractéristique se retrouve dans les masques de la société Gèlèdè où, les figures sont féminines et dont le culte rend hommage au pouvoir sorcier des femmes. Ici, le sommet du chef se termine par une longue tresse rejetée sur le côté gauche, rappelant les coiffures traditionnelles des Olode. Chasseurs et herboristes, ces derniers se protégeaient grâce à des amulettes et des inoculations de médicaments cachés dans leur longue mèche de cheveux.

Les Yorubas attachent une signification toute particulière aux couleurs. Ainsi, le contour des yeux est souvent relevé par un cercle blanc de kaolin, couleur servant à éloigner les fantômes. Le noir est quant à lui utilisé pour rehausser la forme sculptée. Dans la société des Gèlèdè, la structure supérieure des masques-cimier s’ornent de scénettes et de figurines animales. Le coq qui ici annonce le lever du jour, mettant fin à la cérémonie nocturne, se pare des couleurs de la triade traditionnelle noir, blanc, rouge à visée rituelle.

BOUTEILLE ATINGO – EGUN. Benin. Bouteille, bois, tissu, ornements métalliques, 31,5×22 cm, XXe (inv. 0425C)
MASQUE-CIMIER EGUNGUN OLODE. Nigéria. Bois, peinture, 31×32 cm, XXe (inv. 1395)
MASQUE CIMIER – Gèlède – coq. Bénin. Bois, peinture, corde, 39×19 cm, XXe (inv. 1155)

 

Guélédés
 

Contrairement aux productions africaines, l’utilisation des matériaux traditionnels, tel que le bois, apparait moins dans les fétiches et objets du vaudou antillais, plus souvent composés de tissus colorés, d’un enchevêtrement d’éléments hétéroclites appartenant à la vie quotidienne et surtout recouverts de petites paillettes métalliques (sequins). Ils scintillent, sont criards de couleurs et, de fait, attirent invariablement notre regard, non sans rappeler la richesse des coloris sur les costumes Egungun.
À la fois objet de décoration et objet du sacré, cette sculpture réalisée par le prêtre haïtien Pierrot Barra (1942-1999) sert de repoussoir aux esprits malveillants. Poupées, jouets en plastique, miroir et icônes sont accumulés, attachés, liés ou collés entre eux sur un socle recouvert de tissu rouge pailleté et doré. À gauche de l’objet, une image en papier représentant Saint-Georges se dégage d’une sphère recouverte d’une étoffe rouge. Sur le devant, l’icône d’une Vierge Noire est collée sur une bouteille emmaillotée dans un tissu bleu.
Lorsque les esclaves des côtes ouest africaines furent déportés en Amérique et aux Antilles, la foi chrétienne leur fut imposée. La religion vodou est sensible aux conjonctures historiques et se modifie en fonction des cultures qu’elle rencontre. Ainsi, dans le vaudou haïtien – comme dans la Santeria cubaine ou le Candomblé brésilien – les saints catholiques ont été identifiés aux divinités traditionnelles vodou et les pratiques rituelles ont été renouvelées. Il n’est donc pas étonnant de trouver la Vierge Noire d’Altagracia – fort populaire à Haïti – parfois assimilée à Maîtresse Erzulie, esprit des eaux douces et divinité de la beauté et de l’amour. Comme sur cet objet, elle est toujours couronnée et parée d’or et de bijoux. Quant à Saint-Georges, reconnaissable à son cheval blanc, sa cape rouge et au dragon qu’il terrasse, il s’identifie à Ogou Chango, un loa (esprit) guerrier dont le rouge constitue l’attribut. À noter que c’est cette même couleur rouge qui est associée au vodou du fer Ogoun chez les Yorubas d’Afrique.

OBJET DE PROTECTION. Haïti.
Verre, plastique, tissu, ornements métalliques, objets composites, 66×34 cm, XXe (inv.0508C)
BOUTEILLE ATINGO – EGUN. Bénin.
Bouteille, tissu, ornements métalliques, cauris,
33×11 cm, XXe (inv.0152A)

 

Haïti
 
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