La magie des plantes et les pouvoirs des dieux

Jean Yves Anezo

Musée vodou – 23 novembre 2017.
Université de Strasbourg. Jardin des sciences- 27 Janvier 2018.
Mes remerciement à Madame Ming Anthony pour l’amicale bienveillance de son écoute.

1° QU’EST-CE QU’UN VODOU ?

 

Le bokono Jean Paul Azekpon Christophe lors de sa conférence au Château musée Vodou en juin 2017, nous a

expliqué que la magie est ancrée dans le quotidien de l’Afrique et que les africains attendent de leurs religions, quelques

soient les principes irrationnels qui les sous-tendent, une sorte d’efficacité pratique dans les usages habituels qu’ils en

ont. Le vodou en particulier, ne déroge pas à cet impératif d’efficacité basé sur ses ingrédients constitutifs

principaux : les plantes. Celles-ci, cueillies avec soins pour leur souffle magique deviennent les « amas » du vodou. Ces

amas dont l’assemblage constituera en quelque sorte son ADN.

 

a. Le vodou représente quelque chose de symbolique, d’étrange, qui est à part, c’est un esprit vivant, qui du fait de ses

particularités, mérite que les humains le dissocient du reste de la création. Il n’est rien par lui-même car il a besoin de

l’ensemble des autres vodous et, comme les hommes, c’est un être social qui s’épanouit au contact de ses semblables

et de l’homme.

 

b. Est-ce un dieu ou une force impersonnelle matérialisée par l’homme ? Pour certains d’entre eux, il nous est impossible

de répondre, c’est le cas du petit mais très essentiel personnage qu’est Aguin, détenteur des secrets des plantes, et

sans le concours duquel il serait bien difficile aux hommes d’accèder au désir d’installation des autres vodous …

 

c. Surgissant à la suite d’un trauma que l’homme ne pouvait concevoir, le vodou est la solution secrète qui panse la

blessure et lui trouve une explication efficace. Il connecte profondément le cosmos tel que les hommes le perçoive à sa

partie méconnue, dans « l’Ailleurs » secret, dans l’invisible des ténèbres mystérieuses, dans le « trou », là où se cachent

des forces puissantes, magiques et inexplicables. On pourrait simplement se contenter de dire que le vodou est le

vodou.

 

d. Selon le père Roberto Pazzi : « Le vodou est le point de jonction entre le visible et l’invisible ». Un pied dans la lumière

magique du vivant, un pied dans les ténèbres magiques de la mort, le vodou rend accessible l’irrationnalité des deux

mondes. Il est le vecteur de passage et d’échange entre les forces telluriques et les forces célestes.

 

e. Les hommes fabriquent des vodou, pourvus que ceux-ci apportent des explications à l’univers qui les entoure, ce recours

aux vodous pour expliquer le monde et ses aléas palpables, tangibles, du domaine du réel, brise ainsi la frontière qui

sépare le sacré du profane… Les hommes permettent aux vodous une existence plastiquement conceptualisée, avec

une méthodique et rigoureuse application, mais comme une œuvre vivante, qui intègrera à jamais leur univers réel.

C’est pourquoi les vodou diffèrent ainsi d’un peuple à l’autre, d’un village, d’un quartier ou même d’une famille à

l’autre.

 

f. Les vodou se différencient d’une part en vodou « trouvés », ceux-ci fixés à la nature ne doivent être ni modifiés

ni déplacés : Arbres, (Logoti ou wutokpa) termitières (kômedan, Aguin), pierres (Kpevodous), rivières

(Tôvodous). Ils n’ont pas d’herbes enterrées en leur cœur terrestre mais ils en sont dépendants dans les rituels

et en particulier dans les rituels de purification en ce sens que les plantes se trouveront être en pratique un

incontournable de leurs cultes.

 

g. D’autres part on distingue les vodou « installés » qui trouvent leur puissance dans les herbes enterrées et que nous

allons détailler ci-après. Ces vodous installés sont « de dedans » (xômevodous : dans la case) ou « de dehors »

(xixenuvodous : de la cour) selon le lieu où il doivent être installés. On parle aussi de vodous achetés eu égard à leur

coût d’installation.

 

h. A l’instar des humains, les vodous sont personnellement identifiables, l’un ou l’autre peut prendre la figure d’un

ancêtre fondateur ou qui devint au fil du temps un grand personnnage qui s’illustra tant dans le passé, que ses actions

finirent par en faire un être mythique dans l’esprit des générations qui se succédèrent après lui. Un objet l’identifiant

et nécessitant une cérémonie peut aussi le signaler comme vodou.

 

i. Chacun d’entre eux doit être localisable et différenciable. C’est ainsi par exemple, qu’on différenciera les Sakpata ou

les Hebieso en fonction de leur localisation, des inter-relations qu’ils entretiennent avec les hommes, et de leurs

pouvoirs particuliers.

 

j. Klaus Hamberger nous éclaire quand il écrit : « Ces êtres en argiles, bois, fer et feuilles, véritables individus, n’ont, en

soi, rien de « multiple ». La multiplicité réside dans les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres et avec les

humains car ceux-ci s’inscrivent dans le même réseau. » Ce sont donc bien des invidus différenciables possédant une

identité propre.

 

k. Le vodou installé est un assemblage d’amas, ces feuilles dont les souffles activés le rendent vivant, lui confère ses

pouvoirs et une identité parmi les hommes. Il est dans le trou à l’abri des regards, il n’est rien d’autre. Tout l’assemblage

qui est au-dessus n’est pas le vodou. Ce vodou est un ensemble de composants magiques méticuleusement cachés dont

les plantes constituent l’ingrédient principal.

 

2. D’OU VIENNENT LES VODOU QUI SONT-ILS, ET OU VIVENT-ILS ?

a. Les vodou sont omniprésents, venus du monde des origines, ils se manifestent aux humains selon leurs envies. Ce sont

des ancêtres, lignagés pour la plupart, chefs de tribus, chasseurs, mères esclaves ou bien encore l’esprit de celles qui

achetèrent autrefois les esclaves. Ils sont animaux : le crocodile, le serpent, le caméléon… ; des enfants particuliers ou

caractéristiques, jumeaux, boiteux, nés coiffés, albinos, trisomiques… ; un tertre de terre proche du village, une poterie

enterrée. Ce sont aussi, bien sûr, les esprits qui régissent les lois de la nature et du cosmos, il y a ceux du ciel, ceux de

la mer et ceux de la terre.

 

b. Deux seuls cependant sont uniques : Fa qui établit le lien de la parole sacré de tous les vodou avec les humains et Mawu

le grand vodou omnipotent, la grande mère de tout ce qui est, et de tous les vodou.

 

c. La représentation symbolique du vodou peut être un arbre seul, un bosquet, une forêt sacrée elle-même. Ce qui donne

à la symbolique de l’axe évoqué plus haut toute sa cohérence.

 

d. Lorsqu’ils n’ont pas été installés dans un lieu déterminé, ils sont dans cet ailleurs lointain et magique que les hommes

retrouvent, si tout va bien, après leur mort.

 

e. Le monde des vodou est inverse. Il est à l’envers de celui des hommes. Ils sont là, dans les arbres et les forêts, ils y

demeurent et sont tout à la fois ces lieux et leurs esprits. Ils sont dans le vivant, prêt à se manifester, fort de leur

ubiquité, à n’importe quel endroit du monde des humains.

 

f. Klaus Hamberger parle de corésidence, en effet, même ceux d’entre eux qui ne sont plus nourris et sollicités par les

hommes retournent dans l’oubli et cessent d’être actifs, mais ils séjournent toujours pas très loin, dans cet « ailleurs »

d’où, à leurs moindres nouvelles manifestations, il faudra qu’ils renaissent…

 

3. LES PLANTES ANIMENT LES VODOU.

a. Le père Roberto Pazzi à joliement écrit que « Les plantes sont les enfants du ciel ». Elles sont individuellement un peu

de Mawu, chacune d’entre elle porte la force du grand dieu qui leur a fourni une âme.

 

b. Elles sont fraiches ou chaudes, selon qu’elles calment ou vivifient, et s’assemblent pour réunir leurs souffles magiques

en un seul, constituant de la sorte la force vitale du vodou. Ce sont des « amas », lorsqu’elles portent enfin, grâce aux

paroles magiques des prêtres, cette force vitale qui animera le vodou ou chargera le Bo des charmes nécessaires aux

désirs des hommes.

 

c. Comme on l’a vu, l’activité contrôlée des vodous et leur installation nécessite pour certains d’enterrer des plantes dans

un trou. D’autres, qu’on dit « nés de la terre » ou « trouvés » ne nécessitent pas d’enterrer les amas, bien que leur

dépendance avec celles-ci soit très forte : Ces vodou se trouvent obligatoirement en forêt, parfois arbre sacré, parfois

bosquet, forêt entière elle-même.

 

d. L’assistant incontournable du féticheur, celui qui connait le secret de toutes les plantes c’est Aguin, l’unijambiste que

nous vous avons présenté plus haut. Avec son pied unique n’est-il pas symboliquement une plante lui-même ? Ce vodou

est partie intégrante de l’’environnement de la brousse, de la forêt, et d’un élément important du paysage : la

termitière, principalement la vieille termitière affaissée qui ressemble aux tertres d’installation de certains vodou. C’est

là, dans la brousse et la forêt que se manifeste Aguin. C’est dans la termitière qu’il loge, en compagnie de Dan, le

serpent. Ils sifflent tous les deux et se meuvent à la vitesse du vent. On dit d’Aguin qu’il est « le coursier des esprits ».

 

e. Au temps des origines, par les termitières, ventres symboliques passeurs de vie, sont arrivés tous les animaux tandis

que les plantes, elles, furent apportées avec la pluie et se répendirent sur terre…

Voilà pourquoi à l’instar du Père Pazzi on peut dire qu’elles sont les enfants du ciel.

 

f. Nous l’avons vu, les vodou de la forêt peuvent être la forêt elle-même, mais aussi un arbre, l’iroko par exemple, qui

deviendra le vodou Loko. Ils ne se différencient pas autrement. Ils sont inscrits dans les récits d’origine comme les

ancêtres lignagés qui se sont installés après une guerre ou par nécessité de trouver une terre qui les abrite et qui soit

propice à la culture.

Les vodou de la brousse eux, s’installent en les recouvrant d’herbes, il n’ont pas de trou. Il en va ainsi par exemple du

vodou Tron, vodou des femmes, celui qui permet de communiquer avec les âmes errantes, celui qu’on utilise pour

appeler les morts et qui protège ses adeptes de tous les maux de la vie. Il en va ainsi également des Kélessi…

 

g. En résumé, les vodou comme les humains sont dépendants des facultés extraordinaires des plantes. Enterrées ou non,

plantes ou arbres eux-mêmes, ils tirent leurs identités et leurs pouvoirs d’une seule herbe ou de l’assemblage des

éléments pré-déterminés de plusieurs plantes.

 

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